Médaillé d’or du Free Jump aux Mondiaux de Shanghai, Dame Fall installe son hégémonie sur la discipline avec ce 3ème titre. Celui qui découvre le roller à 16 ans, rêvait pourtant d’une carrière de footballeur. Depuis 2017 et son premier titre mondial, il est au sommet du saut en hauteur dans le monde du roller. L’athlète sénégalais a toujours faim de titre et vise l’or aux World Skate Game en 2024.
C’est en 2013 qu’il enfile pour la première fois des rollers. Son oncle Malick Fall lui fait cadeau de sa première paire de rollers. Les premiers pas furent catastrophiques. « Mon oncle en faisait dans sa jeunesse juste par passion. Je l’ai supplié pour qu’il me les donne. C’est dans ma chambre que je les ai essayés en premier, le jour du mariage de ma grande sœur. Lorsque j’ai tenté de me mettre debout après les avoir enfilé, j’ai fait une grosse chute et ma jambe a totalement détruit un des baffles de ma sœur qu’on lui a donné en cadeau de mariage (rires) », raconte Dame Fall au micro de Sport News Africa.
Pas de quoi entamer sa détermination. Dès le lendemain, il les enfile de nouveau en multipliant les chutes sur la terrasse de la maison familiale. Puis les premiers pas sur les routes. « Tout a commencé à Niary Tally où je suis né et où j’ai grandi. Je passais par Grand-Dakar avec mes rollers. C’est là que des gens m’ont informé de l’existence de clubs. J’ai rejoint le club de Dakar Roller où j’ai presque tout appris dans cette discipline ». Après avoir assimilé le Béaba du roller, il rejoint Maestro Roller, club de la présidente de la Fédération sénégalaise de Roller, Awa Nar Fall. « C’est à Maestro Roller que j’ai commencé la compétition. À Dakar Roller j’en avais jamais faite », informe-t-il.
Jusqu’à ses 16 ans, Dame Fall était comme presque tous les jeunes garçons de son âge au Sénégal : footballeur. Au lycée Blaise Diagne, il était attiré par les jeunes du club de Maestro Roller qui s’entraînent au terrain de basket de l’école. « J’allais très souvent les regarder rider. J’étais vraiment sous le charme. Cela a influencé mon choix entre le foot et les rollers, avoue-t-il. Jamais je n’aurai cru réussir ailleurs que dans le football. Je rêvais de l’OM. Quand j’ai commencé le roller c’était juste pour la passion et non la compétition. Je n’aurai jamais pensé abandonner le football et mes études pour me consacrer entièrement au roller. Aujourd’hui le roller m’a tout donné. C’est ma passion et c’est mon gagne-pain ».
Amoureux de sport, Dame Fall est un surdoué. Il a aussi pratiqué du handball. Toutes ces disciplines ont finalement participé à en faire aujourd’hui le meilleur Free Jumper du monde. « J’ai fait des compétitions de handball en catégories minimes et juniors au club de Dial Diop. Tous ces sports ont sculpté mon corps d’athlète. Le football avec les courses à haute intensité et les sauts au handball », a-t-il ajouté.
Novice lors de ses premiers championnats du monde en Chine en 2017, la Fédération sénégalaise de roller et skateboard ne s’attendait certainement pas à une telle performance. « Lorsqu’on me demande le titre qui m’a le plus marqué, je ne réponds jamais celui de 2017 Chine. C’est simple, c’est comme si on prenait un joueur des Navétanes (championnat populaire de quartiers au Sénégal) qui remporte la finale de la Ligue des champions, explique Dame Fall. Quand on y allait, nous ignorions tout des enjeux. C’était juste une découverte pour nous. C'étaient nos premiers pas en tant que Fédération, le voyage en Chine était rude. Nous n’avions pas de prise en charge ».
Le Sénégal remporte deux titres mondiaux grâce à Dame Fall et Awa Baldé chez les filles. Un tremblement de terre pour le monde du roller, choqué par ces ovnis sénégalais, sortis de nulle part. Alors que sa compatriote Awa Baldé s’évanouit dans la nature lors des Mondiaux en 2019 en Espagne malgré une nouvelle médaille d’or, Dame Fall cède quant à lui son titre. Pour Dame Fall, c’est une prise de conscience qui s’opère. « C’est quand j’ai perdu mon titre que j’ai enfin compris sa portée. J’étais désormais dans le bain. Et quand on me demande la compétition qui m’a le plus marqué, je réponds les Mondiaux en Argentine en 2022. C’était difficile, je devais récupérer mon titre et mon principal adversaire m’avait battu quelques semaines avant en préparation ».
À Buenos Aires, pour les Jeux mondiaux de skate en 2022, il retrouve la plus haute marche du podium et établit un nouveau record du monde de la discipline (1,70m). Une belle revanche pour le natif de Dakar. Samedi 11 novembre 2023, Dame Fall décroche une nouvelle médaille d’or mondiale. Le 3ème titre de sa jeune et déjà riche carrière. Durant ces derniers championnats du monde de skate (8 - 13 novembre) à Shanghai, il s’aligne pour la première fois dans la discipline du skatecross. Il décroche le bronze dans cette discipline, seulement deux ans après ses débuts.
Numéro 1 mondial dans la discipline du Free Jump et détenteur du record du monde de la discipline, Dame Fall n’en perd pas moins sa modestie lorsqu’on le décrit comme la référence mondiale du Free Jump. « Je n’accepte pas ce statut. Pour moi, Florian Petitcollin reste la référence mondiale du Free Jump, concède-t-il. Il a toujours été mon principal adversaire depuis 2017 jusqu’à sa retraite en 2023. Il a révolutionné le Free Jump car avant, les sauts en roller n’étaient pas considérés comme un sport de haut niveau avec une préparation mentale, physique, s’entraîner 5 fois par semaine et surveiller son poids de forme. C’est lui qui a emmené cette vision dans le Free Jump. Il l’a professionnalisé».
Un respect qu’il voue à celui qui l’a motivé depuis 2017 et ces premières compétitions internationales. Une rivalité entre deux immenses qui lui rappelle d’autres dualités dans le football. « Ma concurrence avec lui est comparable à celle entre Messi et Ronaldo, ose-t-il. Nous avons rehaussé le niveau de cette discipline. Il est plus fameux que moi parce qu’il est plus âgé de 9 ans. Pendant près de 7 ans, on s’est disputé les plus grands titres et records mondiaux. Il a réussi en premier à battre un record vieux de 10 ans. J’ai beaucoup de respect pour ce qu’il a accompli dans le Free Jump. J’espère être un jour une référence et avoir sa longévité dans ce sport. À 35 ans, il a quand même établi son record personnel à 1,71m. À 1cm de mon record du monde ».
À 26 ans, Dame Fall est à l’apogée de son art. Pensionnaire du club de Brest Roller, Dame est établi en France depuis 4 ans. Dans l’hexagone, il se projette déjà dans le futur. « J’ai vite préparé mon plan pour le futur. C’est en 2020 que j’ai passé mon premier diplôme professionnel pour être Coach de roller. En 2022 j’ai obtenu un 2ème diplôme (DESERS) pour l’encadrement d’athlètes de haut niveau. C’est le sésame pour être sélectionneur national de roller. Je suis moniteur et je prépare des athlètes avant les compétitions internationales. J’entraîne actuellement un athlète qui est champion d’Europe de roller », a-t-il confié.
Dame Fall aimerait aussi mettre son savoir-faire au service de son pays de naissance, le Sénégal. Même s’il reconnaît que des obstacles existent au pays des Lions de la Teranga. « La reconversion des sportifs est compliqué au Sénégal parce qu’on n’accorde pas d’importance aux athlètes autres que ceux du football et du basket. Si tu veux mettre en place un projet pour développer le roller, tu n’auras pas l’accompagnement des instances du sport, se désole-t-il. Il faut donc avoir suffisamment de fonds avant de s’engager. J’aimerais éviter aux jeunes ce que j’ai vécu en choisissant entre mes études et la pratique de mon sport. Je souhaite qu’ils puissent évoluer dans leur sport sans lâcher les études en créant une académie sport-études et m’investir dans les instances fédérales », a-t-il déclaré.
En attendant cette reconversion administrative, Dame Fall a encore des titres à aller chercher. L’objectif principal du plus breton des Sénégalais reste les World Skate Games en Italie en septembre 2024. « J’espère conserver mon titre glané en Argentine et battre une nouvelle fois mon propre record du monde », a-t-il lancé.
Moustapha M. SADIO
