Absent de la liste de Gasset depuis plus d'un an, l’attitude de Séko Fofana irrite une partie de l’opinion sportive ivoirienne. Sport News Africa a tendu son micro à certains ivoiriens pressés de voir que la situation soit réglée.
Une file interminable de voitures, de gros camions de marchandises aux belles cylindrées peintes de poussière, le spectacle à l'entrée de San Pedro ce jeudi du mois de septembre 2023 ressemble étrangement à celui de quelques grandes métropoles africaines qui semblent avoir fait du désordre leur credo. Ajouté à cela, il y a le rétrécissement de la chaussée pour des travaux et des troupeaux de bœufs de part et d'autre de la voie principale d'entrée dans la cité portuaire, sous l'œil de bergers dépassés par l'entrain soudain des bêtes. La ville s'est, malgré tout ça, très vite remplie de fans et autres personnalités venues pour le match de la 6e et dernière journée des éliminatoires de la CAN 2023.
Le tout nouveau Stade baptisé Laurent Pokou accueille la rencontre Côte d'Ivoire-Lesotho. Personne ne veut se faire conter l'événement. Le long des murs d'usines décrépis qui longent le boulevard principal, nous rencontrons des piétons. Dans les discussions, presque tout le monde s'accordent à dire qu'avec cette équipe, la Côte d’Ivoire peut battre tout le monde. Mais avec Séko Fofana, elle fera des exploits.
«Actuellement, on a les hommes qu'il faut en attaque et en défense avec les arrivées de N'Dicka et Ousmane Diomandé. Le souci à régler, c'est au milieu. Il nous faut un patron comme Séko Fofana», affirme Koué Jonas, agent de santé, sûr de son argument. Comme s'ils s'étaient passé le mot, les supporters ivoiriens sont tous convaincus que le milieu d’Al-Nassr sera d'un apport inestimable.
« Aujourd’hui, au milieu, on a trop de joueurs lourds et lents dans les transmissions de balle sur le terrain. Kessié a pris de l'embonpoint depuis son départ en Arabie Saoudite. Il joue mais il n'est pas en condition », affirme un agent de la Direction des Sports de la ville balnéaire qui n'a pas voulu être cité.
Ambiance moins chaude à Abidjan ce 27 septembre 2023. Une chaîne cryptée organise une émission avec des panelistes ivoiriens. A Saint-Jean, non loin du plus grand réceptif hôtelier d'Abidjan, le soleil est au Zénith. Au lendemain du Mawloud qui célèbre le jour de la naissance du prophète Mohamet, les mines sont renfrognées. Mais la fatigue ne fait pas perdre la passion du foot.
«J'aime bien Séko Fofana mais je ne comprends pas pourquoi il y a toujours un problème le concernant avec la sélection. On ne peut pas avoir autant de coïncidences pour un retour en sélection. Ça fait plus d'un an aujourd'hui depuis ses performances sous le maillot orange en France face au Togo et à la Guinée. C'est trop. Pendant ce temps, on a perdu qu'une fois, face à la Zambie. On peut donc se passer de lui pour la CAN 2023 », déplore Kessé Ange, informaticien.
A quatre mois de sa Coupe d’Afrique, la Côte d’Ivoire semble quasiment sûre de son groupe. Le 20 mai 2023, Jean-Louis Gasset a annoncé que « l'effectif de la CAN 2023 est connu à 80 % ». Pour la fenêtre du mois de septembre et notamment les matches face au Lesotho et au Mali, il a concocté une liste qui a fait l’unanimité à quelques éléments près. En effet, un joueur sur qui il compte depuis son arrivée continue de lui faire défaut. Il s’agit de Séko Fofana. L’absence du milieu de terrain d’Al Nassr (Arabie Saoudite) fait l’objet de toutes les polémiques en ce moment.
Le milieu de terrain ivoirien aurait eu une pubalgie en championnat mais les Ivoiriens n’y croient pas du tout. À tort ou à raison. Pour eux, c’est une façon polie de décliner sa convocation. Le fait est qu’en plus d’un an, avec ou sans pépins physiques, Fofana a fait faux bond plusieurs fois. Il n’a disputé que deux matches avec les Éléphants mais en laissant une très bonne impression sous la vareuse orange. C’était en septembre 2022 face au Togo et à la Guinée en France. Depuis, c’est un jeu du chat et de la souris avec le public ivoirien qui commence sérieusement à s’agacer.
Avant même la fin de la saison 2022-2023 avec son ancienne formation, le Racing Club de Lens, Séko avait donné le ton concernant les rassemblements à venir de la sélection ivoirienne. « Il y a énormément de fatigue mentale et physique. A la base, on n’est pas préparés à tout cela et la fin de saison, elle se fait longue », avait-il indiqué après un succès des Sang et Or face à Lorient (3-1) le 22 mai.
Dès lors, les interrogations avaient commencé à fuser sur une éventuelle défection à la fenêtre de septembre. Et comme un air de déjà vu, ce que tout le monde pensait s’est confirmé. Après avoir manqué le regroupement de juin, Fofana était encore aux abonnés absents pour le 4e rassemblement d’affilée. Une situation qui agace clairement tout le monde. La première fois, il a dit qu’il avait la Covid-19. Ce qui n’a jamais été vérifié. La deuxième fois, il a prétexté une discussion avec le coach. La troisième fois, c’est la fatigue qui était son alibi. Cette fois, il dit qu’il a une pubalgie. Le tout sans jamais venir faire constater ses bobos aux médecins de la sélection comme le stipule le règlement.
Entre Fofana et les Éléphants, ça ressemble à une idylle forcée. Sous Kamara, sous Beaumelle et maintenant sous Gasset, il ne cesse de faire des siennes. Plusieurs de ses coéquipiers sont agacés par la situation. « C’est Djamel Belmadi qui avait raison. Certains joueurs pensent qu’il y a des coéquipiers pour se taper les petits pays d’Afrique et d’autres pour jouer les phases finales des grandes compétitions. Séko Fofana, on ne sent pas son implication. Il était avec nous la dernière fois simplement parce que le regroupement de septembre 2022 était en France. C’est dommage. On ne peut pas avoir besoin de lui pour la CAN dans ses conditions. Je vous l'avais déjà dit. Je ne veux plus parler de ce sujet. Ça ne m'intéresse pas », fustige un Éléphant en off.
Dans l’entourage du joueur, personne ne veut commenter cette situation. Pour la Fédération, il faut s’en tenir à ce que Gasset dit du joueur en conférence de presse. La Fédération, justement, commence d’ailleurs à être accusée de laxisme dans ce dossier. « C’est à la Fédération de régler tout ça. Beaucoup de personne ne savent pas réellement le fond du problème. Je conseille à Séko Fofana de penser à l’intérêt supérieur de la nation », préconise D. Williams, président de club. Puis de donner la solution absences répétées du capitaine de Lens. « Si j’étais le président de la Fédération, j’irais voir le joueur pour clarifier les choses une bonne fois pour toutes. Il y a clairement quelque chose qui ne va pas », conclut-il sa réaction.
Il ne reste plus que quatre matches officiels aux Éléphants avant la CAN, en octobre et en novembre. A la Fédération, il reste moins de 120 jours pour régler le mystère Séko Fofana.
Sanh Séverin