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Rugby-Sénégal : « On est à trois matchs d'une Coupe du monde » (Manager)

L’équipe nationale du Sénégal de rugby à XV disputera en juillet la Coupe d’Afrique des nations. Une compétition qui se tiendra en France et dont le vainqueur sera qualifié à la Coupe du monde 2023 en France. Un rêve pour des Lions de l’ovalie qui croient en leur bonne étoile à en croire leur manager, Omar Sy, qui a accordé un entretien à Sport News Africa.

L'équipe nationale de rugby du Sénégal.

Le Sénégal dispute en juillet les qualifications au Mondial face à l’Algérie en quart de finale. Comment appréhendez-vous ce rendez-vous?

Pour nous c’est d’abord une fête de se retrouver à cette place. Ce n’était pas un cadeau. On est vraiment allé chercher cette qualification tous ensemble, avec les membres de la fédération et surtout les joueurs pour aller gagner ces deux matchs au Kenya. Cela va se jouer en France. Dans l’équipe on a beaucoup de binationaux. Ça va leur permettre de défendre les couleurs de leur pays et en plus devant leurs familles.

Des voix se lèvent en Afrique contre la tenue de l’Africa Cup en France. Qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas notre choix, concrètement. Après nous faisons partie d’une organisation et les décisions sont prises par les instances. Et ce n’est pas la première fois que cela a lieu. La dernière fois c’était en 2018 avec un tournoi qui s’était tenu à Toulouse (France) avec des sélections africaines. Il y avait notamment l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal… Mais c’est vrai que c’était plus des pays francophones. Là aujourd’hui pour les pays anglophones, cela les embête un peu de venir en France. Ça aurait été choquant si la Coupe du monde devait se jouer ailleurs qu’en France mais là on peut se dire que ce tournoi permet à la France de lancer l’opération France 2023. Parce que c’est le comité d’organisation qui va faire un test pour la Coupe du monde 2023.

« Fédérer autour d'un projet commun »

En avril 2021, la Fédération sénégalaise de rugby (FSR) nomme au poste de sélectionneur de l’équipe masculine Sékou Sakho. Quelle orientation explique ce choix porté sur l’ex international âgé seulement de 29 ans.

Ce choix là c’est d’abord une fierté pour tout le rugby sénégalais. Il faut savoir que Sékou Sakho est un ancien joueur de cette équipe du Sénégal, qui a passé ses diplômes d’entraîneur, qui officie depuis quelques années en France au club d’Epernay. Ses résultats sont bons et c’est un bon technicien. Et en plus de ça c’est une belle personne. Ce qui fait que le courant passe facilement avec tout le monde. On est tous fiers que Sékou soit à ce poste et c’est pour la fédération une preuve aux yeux de tous qu’elle fait une place pour ses anciens joueurs.

Après la carrière en équipe nationale, on ne meurt pas et c’est en quelque sorte une continuité. Je pense que sa jeunesse est une force parce que le rugby évolue constamment. On le voit dans plusieurs tournois internationaux. Le rugby de 2022 n’est pas le rugby des années 80. Le fait qu’il soit jeune, qu’il se renouvelle sans cesse et qu’il officie en club, ça lui permet d’être à la page sur tout ce qui est technique, tactique et d’avoir un apport. Et en plus sa jeunesse lui permet de pouvoir communiquer plus facilement avec les jeunes générations.

Quelques mois après cette nomination, l’aventure avec les Lions commence avec cet exploit face au Kenya, grande nation de rugby sur le continent, chez lui pour lancer les qualifications au Mondial 2023. Étiez-vous surpris par ce résultat ?

Je ne suis pas surpris parce que j’étais dans les coulisses et on a vu le travail qui se faisait en amont. On n'est pas allé à l’abattoir, bien au contraire ça a été préparé. Maintenant battre le Kenya au Kenya c’est forcément une sensation parce que c’est historique. On ne l’a jamais fait. Cela prouve que ce staff au complet, Sékou et ses adjoints, ont su fédérer tout le monde autour d’un projet commun. Et justement, ça a permis d’avoir ce beau résultat.

Comment avez-vous vécu cette fin de match insoutenable avec cet essai victorieux de Georges Pompidou après la sirène ?

Cette fin de match est magnifique. On aurait voulu l’écrire, on n’aurait pas pu. Avec ces 5 dernières minutes où le staff ose changer toute sa charnière parce qu’ils étaient émoussés. Ils font rentrer des jeunes, des jeunes locaux. Babacar Ba qui joue au club de S’en Fout Le Score est un très bon joueur qui a intégré l’équipe en 2017 lors de la Gold Cup. Et Mansour Sall qui évolue au club de Kirène qui est un bon jeune joueur, prometteur. Et derrière l’essai décisif inscrit par Georges Pompidou Mendy qui est un enfant de la Maison du Rugby de Yoff. C’est tout un symbole pour tout le rugby sénégalais. Georges n’est pas un transfuge, c’est un pur local qui a commencé le rugby au Sénégal, qui s’est développé et qui aujourd’hui joue au plus haut niveau. C’est un exemple pour tout le monde. Donc on est comblé.

Plus que 3 mois avant ce match important face à l’Algérie. Quels sont les axes de progrès des Lions ?

À quelques mois de cette échéance, on sort d’un stage de préparation le week-end dernier à Sarcelles (France). C’était d’ailleurs l’occasion de se retrouver tous ensemble. On devait faire un match amical qui n’a pu se tenir parce que les Tunisiens n’ont pas pu avoir le visa. Mais ce n’est pas grave parce que cela nous a quand même permis de nous revoir, que le staff ait pu ré imprégner ses idées. En plus c’est toujours des moments heureux lorsqu’on se revoit. Cela nous permet de préparer ce match. Sur les axes de progression, on a beaucoup de respect pour cette sélection d’Algérie qui est une belle équipe. Mais nous aussi on tente de pratiquer un beau rugby et ce match-là devrait se jouer sur des détails. Et l’objectif dans cette dernière ligne droite est de peaufiner les réglages au niveau de ces petits détails qui feront la différence au mois de juillet.

« Le Sénégal forme de joueurs, mais aussi des entraîneurs »

Omar Sy, manager de l'équipe nationale de rugby du Sénégal.

Parlons-en de cette sélection d’Algérie dirigée par l’ancien international sénégalais Ousmane Mané et qui s’est qualifiée in extremis derrière l’Ouganda et devant le Ghana. Quelles sont les forces de cette équipe ?

C’est une belle équipe, elle est composée de bons joueurs. Déjà leur sélectionneur est un bon technicien. Ousmane a franchi les paliers, il a entraîné les sélections de jeunes d’Algérie et il est récompensé en entraînant l’équipe élite. On est fier aussi de son parcours au Sénégal parce que c’est une partie de nous qui s’exporte. Le Sénégal forme des joueurs, mais aussi des entraîneurs. Sur la qualité de jeu de l’Algérie, c’est une équipe francophone comme nous, très axée sur les phases de conquêtes, touches et mêlées. Là-dessus ils seront très bons. Après, ce qui leur a fait du tort au tournoi en Ouganda, c’est la jeunesse de l’équipe. On ne s’en rend pas compte. Ils font de bons résultats mais c’est une fédération qui est très jeune, qui est affiliée à World Rugby récemment. Aujourd’hui ce qu’ils font c’est magnifique. Face à eux, nous essayerons de faire preuve d’expérience. Dans notre équipe on a des joueurs avec au moins 10 années d’expérience. Ils sont 7, 8 joueurs avec plus de 10 ans en équipe nationale. Cela fait quasiment 100 années d’expérience et j’espère que c’est ce qui fera la différence contre l’Algérie.

Par le passé, des joueurs de renom comme Gaël Fickou, Ibrahim Diarra, Benjamin Fall ou encore Djibril Camara, ont préféré le XV de France au Sénégal. Quels joueurs et profils binationaux évoluant en France ou d’autres championnats majeurs en Europe pensez-vous pouvoir attirer avec la possibilité de disputer la prochaine Coupe du monde en France ?

Tous les joueurs cités ici sont des partenaires de la Fédération sénégalaise, ce sont des frères, des amis pour nous. Gaël Fickou c’est un top joueur mondial qu’on n'a pas eu le temps de recruter parce qu’à 18 ans, il était déjà à la Coupe du monde (2015) avec la France. Par contre, son frère a joué pour le Sénégal. Pareil pour Ibrahim Diarra, paix à son âme, ses frères ont joué pour le Sénégal notamment Mohamed Diarra, un de nos joueurs référents en défense. Et Benjamin Fall qui a bien sûr fait une très belle carrière avec l’équipe de France. Aujourd’hui il fait des dons à la FSR et aux clubs locaux. On tient d’ailleurs à les remercier pour ça. On a la chance aujourd’hui d’avoir des joueurs de Pro D2 (2ème division française) avec Abdelkrim Fofana qui joue à Rouen. Il y a Ousmane Ndiaye pensionnaire de National (3ème division française) à Suresnes. Il a longtemps évolué en Pro D2 notamment à Aix-En-Provence où il a joué. On a quand même actuellement de bons joueurs mais on recherche encore de nouveaux joueurs. Il y a deux frères qu’on tente de recruter en Pro D2 (sourire) et qui se reconnaîtront à la sortie de cette interview. Et on aimerait réussir ce qu’a fait le football avec Aliou Cissé en allant chercher Abdou Diallo, Bouna Sarr même si ça a mis du temps. Nous aussi on espère que nos joueurs qui évoluent en Pro D2, en National entendront notre message et se diront qu’il y a trois matchs pour aller à la Coupe du monde. C’est faisable. Aimer son pays, c’est aussi y aller dans ces moments-là.

En tant que manager de l’équipe nationale masculine, mesurez-vous le travail qui reste à faire pour amener le Sénégal au niveau de la Namibie, du Kenya ?

Avant tout, je tiens à magnifier le travail qui a été fait. Si aujourd’hui on est à trois matchs de la Coupe du monde c’est en grande partie grâce au travail fait sur le plan local depuis de nombreuses années. Des fois on oublie de le dire mais c’est vrai. Dans l’équipe qui s’est imposée au Kenya, on a emmené une dizaine de joueurs locaux, et d’autres joueurs évoluant ailleurs mais formés localement. Félicitations à tous ces clubs qui travaillent localement car cette victoire est aussi la leur. Aujourd’hui pour arriver au niveau de la Namibie il faut qu’on se qualifie à la Coupe du monde. Cela permet d’avoir de la visibilité, d’avoir des moyens. On ne va pas se mentir, on est une fédération riche humainement parce que tout le monde donne son maximum. Mais financièrement c’est très compliqué. Aujourd’hui nos dirigeants sont quasiment sur fonds propres. On est en manque de soutien. On est ouvert à tous ceux qui veulent bien participer à l’aventure du rugby sur la route de la Coupe du monde et au développement du rugby sénégalais. Cela passera par la mise à disposition de moyens pour les clubs locaux pour avoir un championnat compétitif.

Sentez-vous un engouement des Sénégalais à l’idée de voir l’équipe nationale de rugby à la Coupe du monde 2023 ?

On a la chance au Sénégal de vivre une année 2022 extraordinaire. On vient de gagner la Coupe d’Afrique de football et là, on a l’occasion de rendre l’année encore plus belle en gagnant la Coupe d’Afrique de rugby et en se qualifiant à la fois pour le rugby et le football, à la Coupe du monde. C’est un grand signal. On a vu le bonheur et la joie que la victoire à la CAN de football a produit dans le pays. Et on espère en tout cas apporter quelque chose, pas comparable, mais une bonne bouffée d’oxygène pour le peuple sénégalais.

Moustapha M. SADIO

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