Les deux dernières CAN remportées par des sélectionneurs dit locaux et les résultats récents de plusieurs techniciens formés en Afrique, sont en train de redistribuer les cartes au sein des fédérations africaines. De plus en plus, des techniciens du cru se voient donner une chance d'entraîner une sélection ou un club.
Un chiffre : 15. Sur les 24 nations qui ont pris part à la CAN 2021, 15 avaient à leur tête un sélectionneur local. Et c'est l'un d'eux, Aliou Cissé qui a soulevé le trophée avec le Sénégal, face à l'Egypte de Carlos Queiroz, suspendu et privé de finale. Un chiffre qui confirme une tendance déjà constatée lors de l'édition 2019, la première à 24 équipes, lors de laquelle ils étaient 9 techniciens alors sur les bancs. C'est une fois de plus un entraîneur dit local, Djamel Belmadi, qui avait permis à l'Algérie de remporter le 2ème titre continental de son histoire, face à... Aliou Cissé déjà.
Ajouté à cela les performances récentes du Burkina Faso avec Kamou Malo, la montée en puissance du Mali de Mohamed Magassouba, sans parler des séduisantes Comores d'Amir Abou, pour constater un renversement de la balance en faveur des techniciens locaux au sein des sélections nationales. Là où dans un passé récent, les CAN étaient plus l'affaire des fameux sorciers blancs, dont les pouvoirs semblent moins efficaces au fil des éditions. Et, cette émergence des sélectionneurs locaux à la tête des équipes nationales, certains en font même un combat idéologique.
Kamou Malo ne s'en était pas caché avant la demi-finale entre le Burkina Faso et le Sénégal. « Aliou Cissé et moi avons le même combat pour beaucoup de visibilité sur les coachs africains. Il n'y a pas longtemps, chaque pays allait chercher son ''sorcier''. Je ne vais pas prononcer de couleur. C’est pour vous dire que nous avons faim et pour que nous puissions atteindre nos objectifs », a d'abord lancé le technicien des Etalons, avant de poursuivre : « Il faut que les dirigeants africains fassent confiance à cette expertise africaine et surtout à cet accompagnement. Les autres se sont développés à tel point qu’ils viennent nous envahir. Donc, il faut nous permettre de nous développer. »
De quoi donner des idées justement à certaines fédérations, qui ont constaté que les entraîneurs locaux pouvaient avoir ces résultats intéressants, ou au moins équivalents à certains techniciens venus d'ailleurs et recrutés à prix d'or. Et pour cela, il a fallu investir sur la formation. Un pari tenté par plusieurs pays, dont le Burkina Faso, pour qui le Directeur technique national, Pascal Yougbare, indiquait dans un entretien avec la Deutsche Welle que cela fait une dizaine d'années que le pays des hommes intègres « met l'accent sur la formation des entraîneurs locaux, avec notamment l'appui de la FIFA et de la CAF. » Il y a également eu une « prise de conscience des propres potentiels et de la nécessité à développer ce que les différents pays ont comme ressource locale. »
« L’Afrique a fait un bond en matière de formation depuis plus d’une dizaine d’années », expliquait Mohamed Magassouba, le sélectionneur malien pour aller dans le même sens. Avec une nouvelle génération d'entraîneurs formés localement, même si la plupart sont ensuite allés effectuer des stage au sein de formations européennes afin de parfaire leurs connaissances, le niveau technique s'est considérablement élevé. Au point où pour certains appels à candidatures, des profils de techniciens locaux sont désormais privilégiés par des fédérations. Un rééquilibrage des chances de chacun de pouvoir obtenir un poste, là où les entraîneurs nationaux partaient avec un sérieux handicap il y a peu encore.
Le début sans doute d'une émergence de nouveaux profils estampillés « locaux », mais pas seulement au niveau des sélections. Les clubs également suivent cette tendance pour faire davantage confiance à des techniciens du cru, à l'instar d'Al Ahly qui a misé avec succès sur le Sud-Africain Pitso Mosimane. Preuve qu'un vrai changement de mentalité est en train de s'opérer et que le mythe du sorcier blanc en prend un sacré coup.