La CAN 2023, c’est dans quelques jours. Vingt-quatre équipes sont en lice pour cette 34e édition. Et 68 arbitres dont 26 centraux ont été retenus pour le grand rendez-vous continental. Avant la compétition que tout le continent attend, Sport News Africa s'est entretenu avec Malang Diédhiou un des meilleurs sifflets africains dans les années 2010. Le Sénégalais, qui a rangé son sifflet depuis son retour du Mondial 2018, est aujourd'hui instructeur à la CAF et à la FIFA.
Malang Diédhiou, la 34e édition la CAN démarre samedi en Côte d’ivoire, vous avez arbitré plusieurs fois cette compétition. Comment était la première fois pour vous, ressentiez vous un peu de pression ?
En 2015 je participais pour la première fois à la Can, en tant qu’arbitre après avoir participé un an avant au Chan 2014. La Can étant l’événement majeur du continent vous comprendrez aisément ma joie, mon enthousiasme à y prendre part en tant qu’acteur, là où j’avais l'habitude de suivre à la télévision. Pression ? Non et oui. Non parce qu’avant d’arriver à une Can, un arbitre doit suffisamment avoir de l'expérience et je l’avais car j’étais international depuis 2008. Et comme je l’ai dit tantôt je venais de participer au Chan (championnat d'Afrique des nations) qui est en termes d’importance le deuxième événement du continent. Donc j’étais bien préparé et en terrain connu. Oui, parce que Badara Diatta qui était le numéro 1 de l'arbitrage sénégalais venait de décrocher avec une page bien remplie et je devrais être à sa place en termes de représentation du pays. Ce qui créait naturellement une pression (peur de faire moins que lui) et les autres anciens.
On sait que les acteurs du sport sont souvent superstitieux, Malang Diédhiou avait-il son rituel avant les matchs, une routine que vous faisiez très souvent ?
Pour moi et mes assistants qui étaient El Hadji Malick Samba et Djibril Camara, le rituel était toujours d’être en état de pureté c’est à dire de faire ses ablutions et d’invoquer Allah SWT de guider nos décisions avant de sortir du vestiaire.
L’Afrique vit la CAN avec beaucoup de passion et il y a beaucoup de pression venant des tribunes, comment un arbitre se prépare pour ne pas être affecté ? Aviez-vous un coach mental ?
La Can, ce sont des stades remplis, ce sont des stars qui se rencontrent etc et donc beaucoup de pression y compris pour les arbitres qui sont chargés d’officier. Mais rassurez vous l’arbitrage est une école. Avant de devenir arbitre international, on fait des examens théoriques et pratiques au niveau local. Il faut passer successivement les grades de district, ligue et fédéral. (Même si aujourd'hui on peut être arbitre Fifa sans être fédéral). Cela suppose que l’arbitre a une expérience au niveau national avant d’être international. Donc habitué aux affiches où il y a la pression. Ensuite quand un arbitre est international il ne peut pas toute suite participer à une CAN. Le cursus normal pour lui est de prendre part à différents séminaires au niveau de la CAF où sont enseignés et vérifiés les concepts CAF et FIFA de l’arbitrage.
68 arbitres dont 26 centraux ont été retenus pour cet évènement. Comment sont désignés les arbitres pour la CAN ?
La sélection des arbitres est faite sur la base de critères parmi lesquels la performance, l’expérience. Les meilleurs seront suivis régulièrement dans d’autres formations comme les cours des jeunes talentueux, les compétitions de zone, de U17, U20, U23 et CHAN avant une éventuelle sélection à une CAN. Les arbitres sélectionnés arrivent donc à une CAN avec suffisamment d’expérience. Mais aussi avec suffisamment de formation. Par exemple pour cette CAN, il y a eu au moins 4 cours de préparation et sélection en avril, juillet, septembre et octobre, processus qui a abouti à la sélection finale.
Durant ces différentes préparations et formations la condition physique des arbitres était vérifiée à travers les tests physiques qui permettent d’évaluer le niveau physique des arbitres à l’aune des exigences physiques d’un match de football, des cours théoriques avec des analyses vidéo, des séquences VAR et des séances pratiques au terrain. Également il y a un topic gestion de match qui est enseigné aux arbitres et qui prend en charge cette question de préparation mentale et depuis des années les responsables de l'arbitrage africain et les instructeurs techniques y insistent.
Arbitrer à la CAN a-t-il des particularités par rapport aux autres compétitions ?
Oui il y a une particularité. Le football c’est une question de mentalité des équipes qu’il faut bien connaître pour un arbitre. Même dans notre championnat, les 14 équipes par exemple de Ligue 1 n’ont pas la même mentalité, les centres ont un football différent des autres. En Afrique, le football maghrébin est différent des autres, le football anglais est différent du football des pays d’expression française et ensuite viennent les systèmes de jeu choisis. Et quand un arbitre est désigné il doit tenir en compte de l’affiche pour se préparer et donc s’attendre à certains scénarios avant même leur survenance. La préparation de matches pour deux équipes maghrébines ne sera pas la même pour deux équipes subsahariennes.
Selon vous, pourquoi les pays du Maghreb sont-ils les plus représentés, Le Maroc et l’Egypte totalisent chacun 7 arbitres à la CAN 2023 ?
Pour cette CAN, comme la dernière il y a une présence remarquée d’arbitres du Maroc et de l’Égypte. A mon avis, sans être dans les secrets de la Commission des arbitres de la CAF et du département de l'arbitrage qui ont procédé à cette sélection, cette présence se justifie par le fait que ce sont les deux seuls pays africains qui utilisent la Var dans leur championnat, ils ont des arbitres plus à même d’officier avec la Var.
Au Cameroun, la Rwandaise Salima Mukansanga a été la première femme à officier un match à la CAN. En Côte d’Ivoire six femmes ont été retenues dont une seule arbitre centrale, on peut dire que l’arbitrage féminin est en plein essor en Afrique ?
On note de plus en plus des progrès des arbitres dames au point qu’elles sont de plus en plus retenues dans les compétitions des hommes, où depuis la Can 2021 on note au moins la présence de trio dames dans toutes les compétitions africaines. Pour cette CAN contrairement au Cameroun où il y avait une arbitre centrale, 2 assistantes et une Var il y aura 6 dames donc 2 de plus.
Vous êtes ancien arbitre international, instructeur technique FIFA-CAF ; comment trouvez-vous le niveau de l’arbitrage africain ?
A mon avis, le niveau de l'arbitrage actuel reste bon même si on doit continuer à progresser à l’instar du football africain qui est en perpétuelle progression. Il y a un arbitrage professionnalisé avec 25 ou 26 arbitres africains professionnels depuis quelques années.
Comme en Cameroun, la VAR sera aussi utilisée en Côte d’Ivoire. Quel est l’impact de la VAR pour la CAN ?
Oui la Var sera présente pour tous les matches. La Var permet d’éviter les erreurs ayant une incidence avec le résultat du match, garantit donc le résultat du match. C’est pourquoi son utilisation dès les premières heures pour cette Can comme au Cameroun doit être saluée. En tant qu’instructeur Var, je sais que c’est un très bon outil d’aide à la décision de l'arbitre qui je le rappelle reste le maître du terrain car c'est lui qui décide en premier et c’est lui qui décide en dernier ressort.
A la Coupe du monde, la FIFA avait suggéré que tous les arrêts de jeu soient pris en compte pour le temps additionnel, ce qui a rallongé les matchs parfois jusqu’à 100 minutes. Ce sera pareil à la CAN 2023 ?
Pour le temps additionnel le même principe de la dernière Coupe du monde est retenu. Il faut donc s’attendre à ce que le temps perdu soit ajouté. Je souhaite une très bonne CAN à toutes et à tous.
