Le Sénégal vient de remporter la Coupe d’Afrique des moins de 17 ans pour sa 3ème participation. Un sacre loin d’être évident après les nombreuses péripéties subies par l’équipe de Serigne Saliou Dia. Le technicien sénégalais a accordé cet entretien à SNA dans lequel il s’est exprimé sur ce qui a été le moteur de son équipe. L’ancien formateur à Aspire s’est également confié sur les objectifs au Mondial cadets en novembre 2023.
Coach Serigne Saliou Dia, que représente pour vous ce sacre historique du Sénégal à la CAN U17 ?
Serigne Saliou Dia : Ce sacre représente énormément de choses. C’est l’expression d’un travail accompli. C’est l’expression d’un dur labeur entamé depuis longtemps. C’est l’expression de beaucoup de sacrifices parce que ce n’était pas évident au début. Si l’on regarde toutes les péripéties qu’on a rencontrées, on a dû batailler ferme pour en arriver où l’on en est.
Avez-vous stressé un moment, voyant votre équipe buter sur le rideau défensif marocain pendant près d’une heure ?
Serigne Saliou Dia : Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on était stressé avec ce désavantage au score. J’étais certain que les garçons allaient le faire. Ce n’est pas évident pour des enfants d’évoluer face à un bloc aussi défensif. Les grandes équipes ont ce souci également, à fortiori des enfants. Il fallait juste trouver des solutions. On a eu à replacer Amara comme 2ème attaquant, changer certains joueurs de position. On a essayé d’écarter le bloc adverse en passant sur la largeur.
L’essentiel, c’est que mes joueurs finissent par trouver la faille. Donc nous n’étions pas vraiment stressés, on insistait encore et encore au niveau des consignes. Quand on a sorti du banc nos remplaçants Savané et Niabaly, c’était pour fixer dans l’axe et permettre à Amara de rester plus libre. Et Niabaly c’était plus pour étirer la défense du Maroc. Dès les premières actions, on a senti que ça allait passer. On a eu ce pénalty et le but de la victoire en fin de match.
Avant le début de la compétition, ils étaient nombreux ceux qui doutaient de cette équipe décimée par rapport à celle du tournoi UFOA en octobre. Comment êtes-vous parvenu à bâtir une sélection compétitive en si peu de temps ?
Quand on dit qu’un entraîneur doit être capable d’anticiper les possibles événements qui peuvent survenir, c’est dans ce sens que l’on a mis un groupe très élargi pendant les présélections. Une soixantaine de joueurs en réserve. C’était justement pour pallier ces problèmes liés à l’IRM. Les U17 c’est une sélection très complexe. Tu peux miser sur un joueur qui peut se faire épingler à cause d’une maturité plus importante. Il nous fallait prendre les devants avec cette base de joueurs. Dès qu’on a perdu ces joueurs, on a savait qui appeler pour renforcer l’équipe.
Il y avait des joueurs qu’on avait vus lors des matchs amicaux. Le problème c’était plus de trouver comment remettre en place cette équipe, comment retravailler le modèle de jeu. On a pris le temps nécessaire et essayer d’avoir une équipe compétitive. Notre style de jeu n’est pas très facile à assimiler. Quand on demande à nos joueurs de presser très haut, quand on leur demande de courir lors du contre-pressing. Quand on demande à nos joueurs de maintenir un bloc haut, ce sont des choses qui ne s’apprennent pas du jour au lendemain. On a eu beaucoup de temps, ce qui nous a permis de corriger certaines difficultés perçues lors de nos matchs amicaux.
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— FSF (@Fsfofficielle) May 20, 2023
Comment Serigne Saliou Dia juge le niveau global de cette CAN U17 ?
Le niveau africain se rapproche de plus en plus du niveau européen. On est en train de bien travailler. Lorsqu’on voit ces sélections, le Burkina Faso avec d’excellents joueurs, le Maroc avec de jeunes joueurs qui ont déjà cette culture tactique du bloc bas et hermétique. Quand on voit l’excellente équipe du Mali avec un jeu intérieur très propre.
Le Sénégal aussi, même si l’on partait de loin. Et même d’autres équipes dans ce tournoi éliminées avant les demi-finales comme l’Algérie ou encore l’Afrique du Sud qui avait une belle équipe. Le niveau est en train d’être élevé. C’est le plus important au niveau de la formation. Savoir ce qui se fait au haut niveau, essayer de travailler pour y arriver. On est plus très loin du niveau des sélections européennes, au niveau de ce qui se fait de mieux en petites catégories.
Parlez-nous d’Amara Diouf, de son tournoi, ses qualités techniques…
Amara (Diouf) est un garçon que je côtoie depuis très longtemps à Génération Foot. On se côtoie tous les jours à l’académie. C’est un garçon pétri de talent, un garçon qui n’a pas montré tout son potentiel dans cette CAN, les gens l’ignorent. Amara est quelqu’un de très doué, capable de prouesses extraordinaires.
Il n’y pas a longtemps il a été élu meilleur joueur du tournoi Mouhamed VI au Maroc. Là-bas c’était des U19. Cette fois-ci c’était face à des U17. Ça ne surprend personne.
C’est un garçon très fort avec beaucoup de qualités. Il doit travailler encore davantage parce qu’il lui reste encore du chemin à parcourir. Il doit encore plus s’armer d’humilité pour rester sur la bonne direction et tutoyer les meilleurs.
Quelles sont les ambitions pour cette 2ème coupe du monde U17 pour le Sénégal après les 8èmes en 2019 ?
Ce sont des garçons qui doivent poursuivre leur formation. C’est vrai que la Coupe d’Afrique était une étape avec le trophée au bout qui est juste la cerise sur le gâteau. Mais le premier objectif c’est d’avoir des joueurs qui ont une bonne attitude, des joueurs qui comprennent le jeu, qui lisent le jeu. C’est d’avoir des joueurs capables de s’adapter à n’importe quelle situation.
La Coupe du monde sera une autre étape pour eux, pour grandir, découvrir de nouveaux adversaires. S’ils restent dans cette dynamique comme c’était le cas à la CAN, leur progression sera effective. Mais l’objectif n’est pas d’aller remporter cette coupe du monde, c’est de continuer de se former, à les faire grandir et d’ici un ou deux ans, doter le Sénégal d’excellents U20, d’excellents U23. Et pourquoi pas d’excellents joueurs de l’équipe A.
Huit ans après avoir gagné les jeux africains avec la sélection U23, vous remportez la CAN U17. Lequel des deux vous a le plus marqué en tant que Coach ?
Les deux sont importants. Le premier arrive dans un contexte où c’était le désert. Le Sénégal n’avait pas encore gagné de trophée continental. Et ce sacre m’a marqué parce que l’on avait perdu un joueur, Mamadou Salif Ndiaye, décédé en plein regroupement. Et on s’était donné le mot pour se battre pour honorer sa mémoire. Il est parti à la fleur de l’âge et on ne pouvait pas faire mieux que d’aller chercher ce titre, pour lui. Les garçons lui ont dédié cette victoire.
Cet objectif de jouer pour Salif a mobilisé tout le groupe. C’est pourquoi ce sacre aux Jeux Africains était très important pour moi. Je me rappelle lors de la finale, j’avais pris toutes les coupures de presse lors de mon briefing. Je n’ai pas eu besoin de dire grand-chose. Le match le plus important, j’ai juste affiché les photos de Salif Ndiaye. J’ai dit à mes joueurs : ‘’est-ce qu’on mérite plus que lui de vivre ?’’ Ils ont tous répondu ‘’non’’. Qu’ils n’ont rien fait de plus que lui pour mériter d’être là. Je leur ai dit qu’il fallait gagner ce match pour honorer sa mémoire. C’était un match pas évident. Face au Burkina Faso qui venait de subir un coup d’état la veille de cette finale. Les joueurs burkinabé étaient déterminés à rendre fier leur peuple. Mais ce jour-là, nous étions encore plus déterminés pour honorer la mémoire de Mamadou Salif Ndiaye.
Et pour la CAN U17 ?
Ce trophée de la CAN U17 est aussi important car le Sénégal venait d’aligner 5 sacres. Il nous fallait ramener le 6e. Ce qui fait qu’on s’est battu de toutes nos forces pour aller le chercher. Surtout venant d’enfants qui il y a deux ans n’avaient jamais joué de matchs internationaux, n’avaient jamais joué sous la pluie, des enfants qui n’avaient jamais évolué sur une pelouse naturelle. Faire un tel résultat, c’est passionnant. Il y avait ce défi énorme face à nous, de conserver cette dynamique de victoires du football sénégalais. Les deux sacres valent leur pesant d’or.
Par Moustapha M. SADIO