Quart de finaliste de la Coupe du monde 2002 avec le Sénégal, Ferdinand Coly reste un observateur averti du football international. Au lendemain de la défaite des Lions du Sénégal, l’ancien arrière droit a jeté son regard sur l'avenir des champions d'Afrique au Qatar dans cet entretien avec Sport News Africa.
De notre correspondant au Sénégal,
Comment avez-vous vécu ce premier match du Sénégal qui s’est soldé par une défaite ?
C’est un match qui nous laisse énormément de regrets. Le Sénégal a tenu la dragée haute à une équipe néerlandaise qui semblait frileuse et craintive des atouts de cette équipe du Sénégal. Le Sénégal a fait jeu égale et a même dominé la deuxième mi-temps. C’est dans cette période de domination où l’équipe du Sénégal commençait à prendre plus d’assurance qu’elle a été punie. Ça laisse énormément de regrets de perdre ce genre de match parce qu’on avait le dessus sur l’adversaire. Malheureusement, le score est extrêmement sévère et ça laisse un goût amer.
Comment jugez-vous la prestation d’ensemble de l’équipe ?
La prestation de l’ensemble du groupe était plutôt rassurante. On avait quand même un adversaire redoutable avec beaucoup de joueurs de qualité. Je pense que le Sénégal a été au niveau. Malheureusement en fin de match, on a été sanctionnés par ces deux buts sur des erreurs individuelles. Je pense à la sortie malheureuse de Mendy. Mais globalement je pense que le Sénégal n’a pas à rougir. Il faut garder le positif de cette défaite, être plus précis dans le dernier geste surtout devant le but.
Comment aborder le deuxième match face au Qatar, devant son public, avec l’obligation de gagner et la crainte d’un arbitrage maison ?
Face au Qatar ce sera un match couperet pour le Sénégal. La victoire est obligatoire. Maintenant il ne faudra pas se précipiter parce qu’on a en face de nous un adversaire revanchard, dos au mur et qui sera devant son public. Ce sera un match tendu et le premier qui marque prendra l’ascendant sur son adversaire. C’est vrai que le Qatar en tant que pays organisateur pourrait bénéficier d’un arbitrage maison. Mais si on regarde la qualité des deux effectifs, le Sénégal devrait être au-dessus. Maintenant il faudra être décisifs dans les deux surfaces et d’entrée de jeu comme ce qu’a fait l’Équateur, montrer que vendredi il n’y aura pas de place au doute. Le Sénégal remportera ce match dans les duels, dans la détermination, dans les courses. On devra être à 200% et jouer avec l’objectif de conclure et de se donner l’opportunité de passer au deuxième tour face à l’Équateur.
Trouvez-vous l’équipe assez armée offensivement pour se ressaisir dans cette poule avec une finale de groupe face à l’Equateur dans la même configuration qu’en 2018 face à la Colombie, une autre sélection sud-américaine ?
La perte d’un élément majeur comme Sadio (Mané) fait défaut. On a pu le constater dans la percussion et dans l’efficacité devant le but. Maintenant il faut faire avec l’absence de l’étoile du Sénégal. On avait les armes du côté de Ismaïla Sarr et Krépin Diatta qui ont manqué de régularité dans leurs percussions à l’entrée de la surface. Il y a eu quelques occasions notamment avec Gana Guèye et les frappes lointaines qui ont été soient arrêtées par le gardien soient hors cadre. Il faudra faire un effort supplémentaire en attaque pour marquer parce qu’il faut obligatoirement gagner ce match. Je pense qu’il y aura un apport offensif supplémentaire qui sera opéré par le staff avec la volonté de porter plus le jeu vers l’offensif. Face aux Pays-Bas, on avait mis un bloc bas pour sortir en contre-attaques. Mais là je pense qu’on sera obligé de produire du jeu et se découvrir et surtout d’aller chercher ces buts qui vont nous permettre de passer ce tour. Il faudra que chaque joueur offensif sache qu’il doit apporter plus. Le but c’est de gagner ce match donc il faudra se libérer, oser et tenter.
Comprenez-vous que Iliman Ndiaye, attaquant sénégalais le plus prolifique cette saison, n’ait toujours pas sa chance ? C’était déjà le cas en septembre en amical contre la Bolivie et l’Iran…
Le cas Iliman Ndiaye est un peu difficile à juger quand on est à l’extérieur. C’est vrai qu’en Championship il fait partie des meilleurs buteurs. Maintenant en sélection c’est autre chose. Je pense qu’il aura sa chance de montrer ses qualités. Il faut qu’il se tienne prêt comme tout joueur débutant sur le banc. Il reste deux matchs pour sortir des poules. Je souhaite qu’il ait l’opportunité de débuter ou entrer en cours de match. En tout cas en championnat il a fait preuve de beaucoup d’efficacité dans la surface. C’est au staff et à l’entraîneur d’évaluer ce qui se passe aux entraînements. C’est difficile pour nous de juger s’il doit être titulaire ou pas mais c’est vrai qu’il fait partie des joueurs qui ont le profil pour être titulaire. Je pense qu’il aura sa chance et on lui souhaite toute la réussite possible.
Au-delà du talent et de la tactique, quels autres ingrédients les Lions doivent-ils mettre dans leurs matchs pour une compétition d’une telle dimension ?
Le coach met en place une tactique et le talent ils l’ont c’est sûr. Mais malheureusement le talent seul ne suffit pas. Il faut du cœur, de la détermination, il faut de la gnaque. Je pense que les joueurs ont pris conscience qu’ils participent à la compétition la plus importante au monde. C’est un moment unique. Il faut qu’ils prennent conscience qu’ils ont la chance d’être ici et qu’ils doivent tout donner. Il ne faut pas avoir de regrets. Sur ce premier match ils ont quand même montré pas mal de valeurs mais il a manqué cette concentration de fin de match qui nous a beaucoup pénalisés. Je crois qu’ils vont rectifier le tir sur ce deuxième match en se donnant à fond. Je leur souhaite en tout cas. Mais au-delà du talent il faut de l’engagement, beaucoup de souffrance, beaucoup de solidarité. Et ça c’est l’esprit d’équipe. Il y a de jeunes joueurs qui ont intégré cette équipe. Mais ça reste une équipe expérimentée. Ils ont tout pour battre le Qatar et se donner une chance de jouer cette finale contre l’Équateur. Je pense qu’en tant que champion d’Afrique, le Sénégal doit passer ce premier tour pour montrer que l’Afrique a progressé. Si le champion sort dès le premier tour, ce n’est pas un bon signal. Il faut absolument que parmi les 5 représentants africains dans cette coupe du monde, il y ait au moins 2 ou 3 qui puissent sortir des poules.
Dans son nouveau contrat, Aliou Cissé s’est vu assigner comme objectif, les quarts de finale. Doit-on revoir nos ambitions à la baisse et jusqu'où voyez-vous les Lions se hisser en l’absence de Sadio Mané ?
Chacun est libre de faire ses pronostics. Je pense que dans un premier temps le but est de sortir des poules. Aujourd’hui on est dos au mur avec une défaite d’entrée. On pourra faire le bilan après le match du Qatar pour savoir si nous avons des chances de continuer ou si l’aventure s’arrête. J’ignore les conditions de revalorisation salariale de Aliou Cissé. Mais ça risque d’être difficile mais pas impossible. Une entame par une défaite nous met déjà dos au mur. Je ne sais quels objectifs lui ont été fixés mais si c’est les quarts de finale avec toutes les péripéties, les blessures, le coup du sort avec l’absence de Sadio Mané... Sans Sadio ce n’est pas la même équipe, même si les autres ont de la qualité. On a vu sur ce match qu’il manque un élément. Il faudra un sursaut d’orgueil pour atteindre cet objectif des quarts de finale. Et si l’objectif n’est pas atteint, alors les dirigeants aussi devront se poser des questions. C’est bien beau d’annoncer des objectifs, certes légitimes mais peut-être il fallait faire preuve d’un peu plus d’humilité. Être ambitieux en interne et avoir plus de retenue dans la communication parce qu’annoncer quarts de finale et demi-finales d’entrée me semble quelque peu prétentieux sans manquer de respect à l’équipe sénégalaise. Je préfère travailler dans le silence et prendre les matchs un à un. Et si l’opportunité se présente, aller le plus loin possible.
Moustapha M. SADIO